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Artemisia Gentileschi, Paris noir, Louvre Couture… Que valent vraiment les grandes expos du moment à Paris ?

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Artemisia Gentileschi chez Jacquemart-André, Suzanne Valadon au Centre Pompidou, une grande expo de mode au Louvre ou la toute première rétrospective Rammellzee ? Découvrez ce qu’on a adoré, ou moins aimé, en ce moment…

Les beaux jours qui arrivent sont promesses de belles expositions ! En attendant l’ouverture prochaine de grands temps forts tel David Hockney qui s’apprête à s’installer à la fondation Louis Vuitton ou Gabriele Münter au musée d’Art moderne de Paris, la rédaction de Beaux Arts a couru d’une exposition temporaire à l’autre pour vous donner son avis d’expert sur les grandes expositions dans les musées parisiens.

Ancien, moderne, contemporain… Du « Paris noir », enfin mis à l’honneur à Beaubourg, à Cimabue en majesté au Louvre, voici nos recommandations concernant ce qu’il faut absolument voir en ce moment dans la capitale… Ou pas.

« L’Art est dans la rue » au musée d’Orsay

Le pitch :

Théophile Alexandre Steinlen (Imprimerie Charles Verneau, Paris), Tournée du Chat Noir de Rodolphe Salis
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Théophile Alexandre Steinlen (Imprimerie Charles Verneau, Paris), Tournée du Chat Noir de Rodolphe Salis, 1896

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Lithographie en couleurs • 140 × 100 cm • Coll. Bibliothèque nationale de France, Paris • © Bibliothèque nationale de France, Paris / Photo BnF

À partir du milieu du XIXe siècle, Paris se couvre d’affiches publicitaires aux couleurs vives et aux compositions percutantes, réalisées par des artistes de talent. Une révolution que le musée d’Orsay explore en fanfare dans une grande exposition, joyeusement annoncée sous sa verrière par une colonne Morris tapissée d’images cultes, comme la célèbre affiche du cabaret du Chat noir, qui nous transporte illico dans la vie montmartroise de la Belle Époque.

Ce qu’on a aimé :

Dans une scénographie plutôt plaisante – notamment celle de la grande salle centrale – assortie d’éléments sonores bienvenus, on se délecte des audaces stylistiques des maîtres du genre comme Henri de Toulouse-Lautrec, Théophile Alexandre Steinlen, Leonetto Cappiello, Henri Gustave Jossot et Alphonse Mucha, et y découvre en détail l’arrivée controversée de cet art dans les rues. La diversité de styles et de visées des affiches présentées (publicités pour produits alimentaires, automobiles, commerces, spectacles…) démontre autant la richesse et l’attractivité de ce nouveau terrain de jeu offert aux artistes, que son ambiguïté, liée à son aspect commercial et à ses dérives – abordés dans une dernière partie dédiée aux stéréotypes et à la propagande politique, annonçant le rôle sombre que l’affiche incarnera au XXe siècle.

Dommage :

L’exposition aborde davantage le sujet comme un phénomène historique et social qu’artistique. Si la technique est bien décrite, les codes stylistiques de l’affiche n’y sont pas assez analysés à notre goût, pas plus que le rôle primordial qu’elle a joué dans l’histoire de l’art : en raison de son but et de ses contraintes pratiques, l’affiche a marqué l’avènement d’une nouvelle esthétique (couleurs vives, formes simples et dynamiques, cadrages audacieux, contrastes forts…), et fut un véritable accélérateur de modernité, tant visuellement que du point de vue de la désacralisation et de la démocratisation de l’art. Malgré des efforts manifestes, la scénographie aurait aussi pu être plus ludique et immersive : la créativité des lettrages des affiches d’antan ne se retrouve pas dans les cartels et textes de salles, tandis que les espaces paraissent un peu vides et aseptisés, loin de la texture des rues de l’époque. J.B.

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L'art est dans la rue

Du 18 mars 2025 au 6 juillet 2025

www.musee-orsay.fr

« Revoir Cimabue » au musée du Louvre

Cimabue, Maestà
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Cimabue, Maestà, 4e quart du XIIIe siècle

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Quand Dominique Vivant Denon fait venir la Maestà en France, en 1813, elle n’est estimée qu’à 10 francs alors que les Noces de Cana de Véronèse le sont à 1 million ! En 1815, les commissaires italiens refusent de la récupérer, en raison du coût trop élevé de son transport, mais aussi car le regard porté sur les peintres dits primitifs n’a pas encore évolué vers une véritable reconnaissance.

Tempera sur fond d’or sur bois • 427 × 280 cm • Coll. Musée du Louvre, Paris • © C2RMF / Photo Thomas Clot.

Le pitch :

À l’origine de cette exposition, la découverte du siècle : celle en 2019 dans une cuisine de l’Oise d’un petit panneau peint sur fond doré. Classée trésor national, la Dérision du Christ, issue probablement d’un polyptyque, est dès lors attribuée à Cimabue puis acquise par le musée du Louvre. Pour célébrer la fin de sa restauration, ainsi que celle de la Maestà appartenant déjà aux collections du musée, cette exposition entend remettre en lumière ce maître mal connu du Duecento, trop longtemps resté dans l’ombre de son illustre élève Giotto.

Ce qu’on a aimé :

Il est rare de voir une exposition redonner à un artiste sa juste place dans l’histoire de l’art. En une quarantaine de peintures, sculptures et textiles, Thomas Bohl, conservateur au musée du Louvre et commissaire de l’exposition, réussit à donner corps à cette période charnière dans la peinture du XIIIe siècle en Toscane. À la fin de ce siècle, Cimabue – de son vrai nom Cenni di Pepo – est au cœur d’un basculement dans l’histoire de l’art. Abandonnant progressivement un certain hiératisme, osant s’essayer à des audaces dans les représentations des figures, il inspirera les artistes et disciples comme Giotto et Duccio. Ces derniers pousseront plus loin les recherches déjà amorcées (et visibles) par le maître.

Dommage :

Certes, le corpus d’œuvres connues de la main de Cimabue est ténu, mais les présenter dans un espace situé au bout de la galerie de peintures italiennes du musée est un peu frustrant, tant le sujet est passionnant. On aurait aimé une exposition d’ampleur, accompagnée d’un dispositif de médiation plus développé, et notamment d’un film sur la technique du peintre, les restaurations récentes ayant permis d’en révéler les secrets. P.M.

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Revoir Cimabue. Aux origines de la peinture italienne

Du 22 janvier 2025 au 12 mai 2025

www.louvre.fr

« Artemisia, héroïne de l’art » au musée Jacquemart-André

Vue de l’exposition « Artemisia. Héroïne de l’art » au musée Jaquemart-André, Paris
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Vue de l’exposition « Artemisia. Héroïne de l’art » au musée Jaquemart-André, Paris

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Au centre : Yaël et Siséra, 1620
Huile sur toile, 93 × 128 cm
Coll. Szépmüveszeti Müzeum / Musée des Beaux-Arts, Budapest

© Nicolas Héron / Culturespaces

Le pitch :

Avec près de 40 tableaux, dont de très grands formats, le musée Jacquemart-André met à l’honneur la célèbre peintre italienne Artemisia Gentileschi (1593–1653), figure majeure de la peinture baroque caravagesque. Une artiste dont le style unique lui valut une longue et brillante carrière – d’autant plus remarquable à une époque où la peinture était réservée aux hommes.

Ce qu’on a aimé :

Comment manquer cette mise en valeur inédite d’une artiste encore trop peu exposée aujourd’hui au regard de son immense talent ? Impossible de ne pas être attiré, et troublé, par ces tableaux sombres et intenses, où triomphent des femmes robustes, sensuelles et mystérieuses. Loin de s’appesantir sur son viol à l’âge de 17 ans et le procès cruel qui s’ensuivit, ce parcours thématique évite l’écueil d’un traitement trop biographique ou romanesque (souvent réservé aux artistes femmes) pour se concentrer pleinement sur la richesse, la puissance et la diversité de son art, des grandes peintures d’histoire virtuoses aux portraits en passant par les décors allégoriques – le tout mis en regard avec des œuvres de Caravage et de son père et professeur, Orazio Gentileschi. Des toiles clés, comme son premier tableau signé, côtoient des pépites méconnues, comme une étonnante Madeleine pénitente prêtée par une galerie, et une Danaé nue peinte sur cuivre pour un cabinet secret.

Dommage :

Comme toujours dans ce musée, les salles sont trop exigües et peu adaptées. On déplore également qu’un tableau essentiel de la carrière de l’artiste, Judith décapitant Holopherne (1612–1613) n’y soit représenté que par une « copie d’après » (l’original étant à Naples), mal mise en valeur dans un couloir étroit. Mais surtout, à trop vouloir éviter de se faire reprocher de surinterpréter son œuvre à l’aune de sa vie intime (un cartel évoque avec méfiance des « interprétations protoféministes »), l’exposition reste trop discrète sur le regard féministe qu’on ne peut éviter de porter sur cette œuvre profondément autoréflexive. Une œuvre qui, à chaque instant, interroge les relations entre pouvoir, violence, art et féminité, et questionne, en son temps, ce qu’être femme, et femme artiste, veut dire. J.B.

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Artemisia. Héroïne de l’art

Du 19 mars 2025 au 3 août 2025

« Rammellzee. Alphabeta Sigma (Face A) » au Palais de Tokyo

Vue de l’exposition de Rammellzee « ALPHABETA SIGMA (Face A) » au Palais de Tokyo, 2025
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Vue de l’exposition de Rammellzee « ALPHABETA SIGMA (Face A) » au Palais de Tokyo, 2025

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© Aurélien Mole

Le pitch :

Le Palais de Tokyo organise la toute première rétrospective en France célébrant Rammellzee, artiste iconoclaste du mouvement hip-hop naissant dans les années 1980. Placé sous le commissariat d’Hugo Vitrani, ce premier volet baptisé « Alphabeta Sigma (Face A) » (avant la « face B » bientôt au CAPC de Bordeaux) déploie une centaine d’œuvres, de ses premiers dessins à ses sculptures en passant par ses costumes et ses graffitis.

Ce qu’on a aimé :

Cosmique ! C’est le mot qui vient en voyageant dans l’univers de ce gourou du mouvement hip-hop adulé de nombreux street artistes. La première salle met tout de suite dans l’orbite de la planète Rammellzee, du « Gothic Futurism » à l’« Ikonoklast Panzerism », concepts aussi forts que cryptés de la guerre qu’il mène contre le langage dominant, en s’armant d’un nouvel alphabet. Les traits, les couleurs, ça fuse et ça électrise à la vitesse d’un métro dans les entrailles de New York (gare au tournis en admirant la fresque sur papier de cinq mètres de long…). Bluffants sont ses tableaux fluorescents à la surface résineuse, iridescents à la lumière noire. De jouets en bijoux faits d’assemblages, on serait presque intimidé devant ses « garbage gods » (« divinités poubelles ») en kimonos et masques excentriques, évoquant ses performances sur la scène musicale. Rammellzee pouvait rapper avec 100 kilos sur le dos ! Pour l’entendre, on n’oubliera pas de passer dans la salle 37dB, où résonnent des morceaux de l’artiste.

Dommage :

Accrochez-vous pour comprendre la pensée cryptique de ce spécimen enfin redécouvert. Rammellzee le revendique, il est une « équation ». On salue, à cet égard, la gigantesque chronologie du mouvement hip-hop déployée par le commissaire de l’expo à mi-parcours. Vous êtes quand même perdus ? Le mieux est encore de se laisser porter par cet imaginaire fou et visionnaire. M.B.

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Rammellzee. Alphabeta Sigma (Face A)

Du 21 février 2025 au 11 mai 2025

palaisdetokyo.com

« Du Cœur à la Main. Dolce & Gabbana » au Grand Palais

La salle « Dévotion » à l’exposition « Du Cœur à la Main : Dolce&Gabbana » au Grand Palais, Paris
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La salle « Dévotion » à l’exposition « Du Cœur à la Main : Dolce&Gabbana » au Grand Palais, Paris, 2025

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© Mark Blower photography

Le pitch :

Le duo de créateurs italiens Dolce & Gabbana investit pour la première fois Paris pour y présenter une partie de ses collections dans une exposition intitulée « Du Cœur à la Main ». Un parcours immersif en douze tableaux dans lesquels on célèbre les savoir-faire, la culture et l’histoire de l’art italiens.

Ce qu’on a aimé :

Époustouflante exposition, qui séduit autant les aficionados de la mode que les amateurs d’art. Les quelque 250 créations de la maison de Domenico Dolce et Stefano Gabbana, qui s’est lancée dans la haute couture en 2012, sont majestueuses et d’une exécution exquise. Dentelle, broderies, soie, peau de python… : chaque création est un travail d’orfèvre ! Le clou pour s’en convaincre étant l’atelier reconstitué où des couturières en chair et en os travaillent sous les yeux des visiteurs. La scénographie est aussi cousue d’or ; on passe d’une salle entièrement ornée de faïences siciliennes à un décor baroque blanc, entre stucs et chérubins sculptés, avant de s’étourdir au bal du Guépard, le film de Luchino Visconti… Ce show méticuleux sert admirablement bien la compréhension des sources du duo Dolce & Gabbana – virtuose !

Dommage :

C’est une exposition qui fera date au Grand Palais, et l’affluence est déjà là ! Le prix du billet est un peu élevé (25 euros), mais il vaut la dépense si on compare à une place de cinéma… M.B.

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Du Cœur à la Main : Dolce&Gabbana

Du 10 janvier 2025 au 2 avril 2025

paris.dolcegabbanaexhibition.com

« Paris noir » au Centre Pompidou

Vues des salles d’exposition de « Paris Noir » au Centre Pompidou
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Vues des salles d’exposition de « Paris Noir » au Centre Pompidou, 2025

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© Hervé Véronèse

Le pitch

Qui sont les artistes noirs en France, des années 1950 jusqu’à l’an 2000 – et quelles ont été leurs recherches plastiques, leurs engagements, leurs revues, leurs rencontres, leurs soirées ? Le Centre Pompidou répond dans cette exposition très attendue et au succès déjà notable avec 150 noms africains, afrodescendants et caribéens.

Ce qu’on a aimé

Si certains artistes ici montrés sont bien connus, comme le Cubain Wifredo Lam ou le Franco-Haïtien Hervé Télémaque, la plupart se révèlent être des découvertes, parfois très intéressantes : Diagne Chanel, Ming Smith, Harold Cousins, Georges Coran, Papa Ibra Tall. En quinze chapitres, du « Paris panafricain » aux « Nouveaux lieux du Paris noir », du surréalisme à l’abstraction, le parcours voit grand, et convoque tous les arts puisque l’on croise le romancier James Baldwin (magnifique sous le pinceau de Beauford Delaney), la revue Présence africaine, le philosophe Édouard Glissant (si central qu’il constitue le noyau de la scénographie), l’influence du free jazz, la mannequin et chanteuse Grace Jones…

Dommage

Enfin ! Mais comme le regrette le critique spécialiste des arts africains contemporains Philippe Dagen dans les pages du Monde, « il est cependant malheureux que ce soit comme un remords in extremis, à quelques mois d’une fermeture qui s’annonce longue. » Ce remords prend la forme d’une exposition très copieuse, (trop ?) dense, qui assemble des visions extrêmement variées ; au risque de perdre un peu les visiteurs, peut-être. M.C.-L.

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Paris Noir. Circulations artistiques et luttes anticoloniales, 1950 – 2000

Du 19 mars 2025 au 30 juin 2025

www.centrepompidou.fr

« Apocalypse. Hier et demain » à la BnF – François Mitterrand

Vue de l’œuvre d’Anne Imhof, sans titre (2022) à l’exposition « Apocalypse » à la BnF, Paris, 2025
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Vue de l’œuvre d’Anne Imhof, sans titre (2022) à l’exposition « Apocalypse » à la BnF, Paris, 2025

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Photo Anthony Voisin / BnF

Le pitch :

Des catastrophes naturelles aux guerres meurtrières, le terme d’apocalypse revient sans cesse pour évoquer les événements les plus angoissants de notre temps. Mais que signifie précisément ce mot d’origine biblique ? Car dans le Nouveau Testament, le livre de l’Apocalypse ne décrit non pas un désastre, mais plutôt une révélation… La Bibliothèque nationale de France revient ce printemps aux sources de l’Apocalypse à travers de précieux manuscrits médiévaux, des fragments de tapisseries ou des gravures de Dürer, avant de traverser les siècles au gré d’œuvres plus modernes et contemporaines, de William Blake à Anne Imhof en passant par Odilon Redon, Vassily Kandinsky, Otto Dix ou le cinéma. L’idée ? Explorer un imaginaire pluriel, constamment réactualisé, entre sublime et tragique, hanté par le spectre de la fin des temps.

Ce qu’on a aimé :

Malgré un sujet dense et érudit, l’accrochage parvient à exposer clairement son propos. L’art contemporain, loin de n’être qu’un contrepoint, vient dès le début de ce parcours en diptyque offrir de subtiles mises en perspective. Coup de maître, la scénographie de la première partie détaille avec élégance et didactisme les prophéties, pourtant complexes, du texte originel de Jean. Une étape essentielle d’où émergent les grands symboles de l’Apocalypse – la grande prostituée, les sept sceaux, les cavaliers, le combat contre le dragon… –, qui font figures de motifs lancinants dans la seconde partie. Extrêmement riche, celle-ci est plus aérée, laisse peu à peu place à la lumière, jusqu’au magistral final qui renoue avec le « dévoilement » biblique : une grande salle d’installations invitant à l’apaisement et au renouveau.

Dommage :

Espérons que le site François-Mitterrand de la BnF, un peu éloigné des musées, et pas toujours identifié comme lieu d’exposition, ne dissuade les potentiels visiteurs qui se priveraient ainsi de l’une des plus saisissantes et passionnantes expositions du moment. F.G.

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Apocalypse. Hier et demain

Du 4 février 2025 au 8 juin 2025

www.bnf.fr

« Louvre Couture » au musée du Louvre

Vue de l’exposition “Louvre Couture, Objets d’art, objets de mode” (robe Christian Dior)
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Vue de l’exposition “Louvre Couture, Objets d’art, objets de mode” (robe Christian Dior), 2025

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© musée du Louvre / Photo Nicolas Bousser

Le pitch :

Pour la première fois de son histoire, le plus grand musée du monde accueille une exposition de mode. « Louvre Couture » se déploie ainsi en une centaine de créations parmi les objets d’art du musée, en traversant les ailes Richelieu et Sully, où les modèles des 45 plus grands couturiers, de Karl Lagerfeld pour Chanel à John Galliano pour Dior, dialoguent avec les collections.

Ce qu’on a aimé :

Impossible de ne pas se laisser happer par le jeu de correspondances tissé par le commissaire d’expo Olivier Gabet, tant il est pertinent et beau. Présentées la plupart du temps sur de grandes estrades en miroir par la scénographe Nathalie Crinière, les créations sur mannequins se fondent à merveille dans les collections. De salle en salle, au milieu des objets d’art du Louvre, on admire de fascinants parallèles au travers d’une soixantaine de silhouettes et une trentaine d’accessoires. Tout fait subtilement écho : une marqueterie Boulle avec un ensemble Givenchy, une mosaïque byzantine de Torcello et une robe Dolce & Gabbana, une laque de Coromandel qui file le parfait accord avec une broderie Chanel. Il y a même des audaces comme la robe en résine galvanisée de Demna pour Balenciaga au milieu des armures anciennes, ou encore le tailleur motif Bambi de la collection de JC de Castelbajac « Go! Go! Diva » trônant devant une tapisserie de chasse. De notre avis, les créations les plus spectaculaires se trouvent dans les dernières salles, dans les appartements Napoléon III. De fil en aiguille, ce qu’on apprécie le plus est de prendre le temps de (re)découvrir le département des objets d’art du Louvre, si peu fréquenté. Quel merveilleux répertoire de beauté !

Dommage :

Prenez le risque de vous perdre… Gageons que cela vous arrivera ! Munissez-vous du plan de l’expo pour ne rien rater du dédale de « Louvre Couture ». Prévoyez du temps pour cette visite, et un peu d’énergie. M.B.

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Louvre Couture. Objets d'art, objets de mode

Du 24 janvier 2025 au 21 juillet 2025

www.louvre.fr

« Suzanne Valadon » au Centre Pompidou

Vue de l’exposition de Suzanne Valadon au Centre Pompidou, Paris, 2025
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Vue de l’exposition de Suzanne Valadon au Centre Pompidou, Paris, 2025

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© Hervé Véronèse

Le pitch :

Outre le face-à-face avec son fils Maurice Utrillo programmé à la Pinacothèque de Paris en 2009, la capitale n’avait pas accueilli de rétrospective de la Montmartroise Suzanne Valadon (1865–1938) depuis 1967. Le Centre Pompidou réunit près de 200 œuvres (une majorité de peintures et quelques beaux dessins) pour faire le portrait d’une artiste libre et audacieuse, qui a signé le premier nu masculin peint de face et en grand format par une femme, et a multiplié les portraits.

Ce qu’on a aimé :

Voir Valadon, déjà, dont les peintures sont d’une beauté rude, et révèlent ses talents de portraitiste comme de coloriste (en témoignent la richesse des teintes des chairs comme la complexité des tissus et des papiers peints à motifs), mais aussi de dessinatrice (les feuilles qu’elle consacre à son jeune fils au corps gracile sont d’une justesse inouïe). La conception du parcours, aussi, est remarquable, tout en courbes et en méandres, qui permettent à la foule de bien se disperser, et offre à chacun la possibilité de regarder tranquillement les œuvres. Enfin, on a adoré les croisements proposés avec quelques-unes de ses contemporaines, telles Marie Laurencin, Juliette Roche, Georgette Agutte, Mela Muter, Jacqueline Marval, Émilie Charmy ou Angèle Delasalle, qui font de cette rétrospective un manifeste pour la redécouverte des artistes femmes de la modernité.

Dommage :

Si le parcours est agréable à arpenter, la scénographie manque de fantaisie dans les choix de teintes des cimaises, dont le gris un peu triste résonne mal avec la riche palette de Suzanne Valadon. M.C.-L.

Suzanne Valadon

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Billetterie Beaux Arts présentée par Come to Paris.

« Tous Léger ! » au musée du Luxembourg

Vue de l’exposition « Tous Léger ! Avec Niki de Saint Phalle, Yves Klein, Martial Raysse, Keith Haring… » au musée du Luxembourg, Paris, 2025
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Vue de l’exposition « Tous Léger ! Avec Niki de Saint Phalle, Yves Klein, Martial Raysse, Keith Haring… » au musée du Luxembourg, Paris, 2025

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© Pauline Bessaudou / GrandPalaisRmn, 2025

Le pitch :

Réunissant une centaine d’œuvres du musée Fernand Léger de Biot et du MAMAC de Nice, le musée du Luxembourg propose une exploration de l’héritage de Fernand Léger, tel qu’il s’inscrit chez les Nouveaux Réalistes (Niki de Saint Phalle, Arman, Yves Klein, Raymond Hains, Martial Raysse, César), mais aussi chez les artistes pop américains, chez Ben, chez Gilbert & George… Et même chez Keith Haring !

Ce qu’on a aimé :

Des « Accumulations » d’Arman aux Nanas dodues et colorées de Niki de Saint Phalle, l’art des Nouveaux Réalistes est gorgé de vie et de joie. Quel plaisir d’en voir ici un ensemble varié ! Les commissaires semblent prendre un plaisir fou à faire revivre leur esprit irrévérencieux, analysé en différents chapitres thématiques (« Les cinq éléments », « La vie des objets »…). En plus des œuvres, quelques citations culottées et une frise best of de leurs actions les plus marquantes s’étalent sur les murs. La conversation avec le pop art, avec l’insouciance provocante de Ben ou encore avec les formes franches et naïves de Karel Appel se fait bien ; tandis que le parcours, aéré, est coloré, joyeux, léger.

Dommage :

« Léger », justement (et sans jeu de mot), c’est aussi le défaut de cette exposition dont l’argument paraît un peu bricolé. Car ils ne se sont jamais rencontrés, et parce que le parcours ne cite en réalité que peu de liens tangibles entre les Nouveaux Réalistes et leur prédécesseur, les textes des cartels restent parfois superficiels, et on sort de l’exposition sans avoir l’impression d’avoir appris grand-chose. Reste le plaisir des œuvres, pas si maigre ! M.C.-L.

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Tous Léger ! Avec Niki de Saint Phalle, Yves Klein, Martial Raysse, Keith Haring...

Du 19 mars 2025 au 20 juillet 2025

« Corps et âmes » à la Bourse de Commerce

Michael Armitage, Dandora (Xala, Musicians)
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Michael Armitage, Dandora (Xala, Musicians), 2022

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Huile sur tissu d’écorce de Lubugo • 220 × 440 cm

Le pitch :

La Bourse de Commerce réunit une quarantaine d’artistes pour aborder le sujet du corps – thème archi-classique s’il en est. Le parcours débute et se termine avec Georg Baselitz, d’abord avec une sculpture monumentale de lui, petit garçon (tenant dans ses mains un crâne), puis avec la série de peintures non moins immenses « Avignon » (2014). Entre les deux, on retrouve Ana Mendieta, Miriam Cahn, Marlene Dumas, Duane Hanson, David Hammons…

Ce qu’on a aimé :

Il y a d’extrêmement belles conversations d’œuvres d’art dans cet accrochage très politique, volontiers centré sur la représentation des corps noirs – et féminins : on retiendra entre autres la salle sur le nu, avec le peintre Kerry James Marshall, la sculptrice Senga Nengudi et la chorégraphe Anna Halprin. En plus des bandes-son des vidéos, l’exposition s’accompagne d’une playlist concoctée par le spécialiste du jazz Vincent Bessières, que l’on peut écouter en s’installant dans des niches. Sensoriel, stimulant, très souvent troublant, l’accrochage multiplie les gros coups (une salle entière de Miriam Cahn, les grands Baselitz) mais séduit presque plus avec certains choix plus discrets, comme la photographie de la main de Miles Davis par Irving Penn, étrangement tordue et tendue, expressive et repliée.

Dommage :

En abordant la question de la représentation du corps noir, du corps féminin et parfois aussi de la Terre à protéger (chez Ana Mendieta), l’exposition convoque nombre d’injustices. Peut-on tiquer de voir ces réflexions s’élever dans l’architecture luxueuse d’une collection associée à une grande puissance financière ? Oui, sans nul doute. Et pourtant, il faut aussi constater la force d’attraction de la Bourse de Commerce, les foules bigarrées qui y entrent, découvrent les artistes, approchent par les œuvres des questions politiques. L’exposition « Paris noir » au Centre Pompidou (voir plus haut) le prouve : les musées n’ont que trop attendu pour montrer les artistes africains et afrodescendants. Avec « Corps et âmes » (comme avec plusieurs de ses précédentes expos), la Bourse de Commerce contribue activement à ce changement de regard. M.C.-L.

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Corps et âmes

Du 5 mars 2025 au 25 août 2025

www.pinaultcollection.com

« Edi Dubien. S’éclairer sans fin » au musée de la Chasse et de la Nature

Vue de l’exposition “S’éclairer sans fin” de Edi Dubien au musée de la Chasse et de la Nature
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Vue de l’exposition “S’éclairer sans fin” de Edi Dubien au musée de la Chasse et de la Nature, 2024

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Photo musée de la Chasse et de la Nature, Aurélien Molle

Le pitch :

Le musée de la Chasse et de la Nature offre l’intégralité de ses espaces au peintre contemporain Edi Dubien (né en 1963), qui investit la salle des expositions temporaires, mais aussi les collections permanentes de peintures, d’œuvres sur papier et de sculptures. Pour cette première rétrospective parisienne, l’artiste autodidacte déploie un univers où hommes, animaux et végétaux s’emmêlent et s’entremêlent, où les fleurs poussent sur les torses nus et où un renard peut surgir d’un corps allongé… Edi Dubien va jusqu’à dialoguer avec les animaux naturalisés des collections, par exemple en habillant d’une jupe rose vif un puissant sanglier.

Ce qu’on a aimé :

Avec son univers peuplé d’animaux, la présence bienveillante et queer d’Edi Dubien dans le décor chargé comme un cabinet de curiosités du musée de la Chasse et de la Nature relève immédiatement de l’évidence. Généreux, travailleur acharné, l’artiste n’a pas boudé son plaisir puisqu’il a produit 200 œuvres exprès pour l’exposition. Une somme, qui investit du sol au plafond deux murs entiers de la première salle, recouverts de dizaines de dessins. Accrochés sur un papier peint signé par l’artiste, ceux-ci se regardent longuement, de près mais aussi d’un peu plus loin, les visiteurs pouvant s’asseoir sur des bancs, eux aussi, conçus par Edi Dubien. Une exposition comme une œuvre totale.

Dommage :

Less is more ? Bizarrement, c’est en arpentant les collections permanentes qu’on aura le plus de plaisir à regarder les dessins et les sculptures, isolés par-ci par-là, et d’autant plus captivants (surtout lorsqu’ils dialoguent avec humour ou poésie avec le déjà-là). La première salle est un exploit, certes, mais presque un peu indigeste – difficile de regarder attentivement chaque œuvre ici montrée… M.C.-L.

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Edi Dubien. S'éclairer sans fin

Du 10 décembre 2024 au 17 août 2025

www.chassenature.org

« Au fil de l’or » au musée du quai Branly

Vue de l’exposition « Au fil de l’or. L’Art de se vêtir de l’Orient au Soleil-Levant » au musée du quai Branly – Jacques Chirac, 2025
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Vue de l’exposition « Au fil de l’or. L’Art de se vêtir de l’Orient au Soleil-Levant » au musée du quai Branly – Jacques Chirac, 2025

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© musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Léo Delafontaine

Le pitch :

Le musée du quai Branly détricote l’histoire du fil d’or, en déroulant son fabuleux destin dans les arts textiles. Entre savoir-faire, histoire et création contemporaine, les commissaires Hana Al Banna-Chidiac, ancienne responsable des collections Afrique du Nord et Proche-Orient, et Magali An Berthon, ont réuni 200 œuvres dont des créations haute couture de la styliste Guo Pei.

Ce qu’on a aimé :

C’est un étincelant voyage ! Didactique, avec ses « bulles » sur les savoir-faire et les techniques, le parcours file des bords de la Méditerranée au pays du Soleil levant, et remonte du Ve millénaire avant notre ère jusqu’à nos jours. Caftans du Maghreb, plastrons et pantalons longs d’Orient, soieries des mondes indien et indonésien, et kimonos de l’époque d’Edo… Le défilé est un ravissement. Les esprits curieux seront aussi piqués par les différentes innovations humaines pour (re)produire ce précieux fil ; du byssus, filaments d’un mollusque méditerranéen (Pinna nobilis), au Bombyx mori, ver à soie du Cambodge, qui produit des cocons jaune vif. Ponctuant cette visite, les quatorze créations de la Chinoise Guo Pei, connue pour avoir conçu la robe jaune portée par Rihanna en 2015 au gala du MET, sont époustouflantes.

Dommage :

Très touffue dans sa partie du Maghreb au Moyen-Orient, l’expo nous laisse un peu sur notre faim lorsque arrive enfin le Japon… Aborder les savoir-faire français, en quelques vitrines avec le brodeur Lesage, Dior, Chanel, dans la dernière salle tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, tant il y aurait de fil à dérouler. M.B.

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Au fil de l'or. L'art de se vêtir de l'Orient au Soleil-Levant

Du 11 février 2025 au 6 juillet 2025

www.quaibranly.fr

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